Voici un roman choral à la sauce étasunienne mâtinée d’esprit français. Une petite ville, sa shérif lesbienne, ses gros cons tout autour. Ça donne envie…
Marie Vingtras, Les âmes féroces, L’Olivier, 267 pages
Ça commence un peu comme Twin Peaks, la série culte de David Lynch, pour celles et ceux qui connaissent : le corps d’une adolescente du coin retrouvé au bord d’une rivière. Léo, par contre, était plutôt du genre discrète, pas comme la Laura Palmer de TP. Comme quoi, il ne suffit pas de raser les murs pour échapper aux meurtriers…
Notre shérif, Lauren (clin d’oeil à Laura ?) a fort à faire avec ses adjoints bras cassés. Le premier pleure devant les cadavres, mais pas que (tiens, comme celui de TP) et l’autre qui rêve de prendre la place de la shérif, avec l’appui du maire qui ne supporte pas la shérif. Et puis Lauren, quand elle rentre à la maison, doit prendre en charge Janis car la pauvre a eu bien des malheurs. Ambiance… La shérif mène l’enquête pendant que le mal mène la danse. C’est lourd, noir et poisseux comme il faut, on a envie de distribuer les baffes à tour de bras en se demandant pourquoi Lauren ne sort pas son flingue pour exploser tout le monde, comme au bon vieux temps du western !
Le récit est conduit par quatre personnages narrateurs au fil des saisons, chacun apportant de nouveaux éléments nous permettant de pénétrer toujours plus profond dans les secrets de Mercy, c’est le nom du bled qui fait effectivement pitié ! Au bout du compte, on aura compris que noir c’est noir et qu’il n’y a plus beaucoup d’espoir à passer dans l’humanité.
Un faux polar, faux roman américain, une vraie réussite.
Extrait
J’ai attendu un moment de silence entre deux sanglots et j’ai dit à Donegan de se calmer, pleurer alors qu’il était en service ne rassurerait personne. Je l’ai entendu renifler puis se moucher et il a fini par me dire, entre deux hoquets, qu’il était sur la rive du fleuve, près du pilier du vieux pont, à la sortie nord de la ville et que c’était affreux. Affreux, voilà un adjectif qui me renseignait si peu que j’ai soupiré. Moi qui rêvais de rentrer tôt, de prendre une bière sur la véranda pendant que Janis me préparerait des tacos, je n’avais plus qu’à aller voir ce qui avait mis Donegan dans cet état. Je n’ai pas utilisé la sirène comme l’aurait fait Sean, inutile d’alerter des gens qui s’ennuient et cherchent des sujets de distraction.
Par Jean-Paul Garagnon | 26 octobre 2024