Premier roman. Un de mes coups de cœur de la rentrée littéraire 2024.
Bérénice PICHAT, La petite bonne, Les Avrils, 267 pages
La petite bonne c’est une jeune femme qui entre au service des Daniel, un couple bourgeois des années 30 en France. On pourrait imaginer la suite facile et prévisible… les conditions de vie de la jeune domestique et la friction des mondes. Rien de tout cela.
D’abord parce que la petite bonne entre au service d’une famille bouleversée par la Première guerre mondiale. Blaise Daniel, musicien mélomane, a vécu la bataille de la Somme, les tranchées et les obus qui cassent les corps, les gueules et tout le reste. Puis parce que la petite bonne va être placée devant un dilemme cornélien, inattendu.
La petite bonne ne nous attache pas par de bons sentiments. Les horreurs de la Première Guerre mondiale les ont tous faits oublier.
Bérénice Pichat nous retient par une narration audacieuse. Une écriture double d’abord : une en vers libre et une en prose qui oppose deux mondes. Elle nous maintient en vigilance parce qu’elle nous parle des blessures des corps et de la question de la vie « inutile » des mutilés de guerre. Elle nous tient dans un huis clos humain, crépusculaire et lumineux.
Premier roman pour Bérénice Pichat et déjà derrière le calme d’une écriture, une lecture à double fond. Quand la littérature se tient debout entre l’Histoire et nos actualités.
Extrait :
Le maître lui parle
Rien ne semble pouvoir l’arrêter
Une urgence dans la voix
c’est important
Il lui a demandé de prendre une chaise
Il lui a demandé de s’asseoir près de lui
Elle a obéit
Elle sent son haleine sûre
Elle observe la peau sèche de ses joues
la tension des balafres
quand son visage bouge
le rythme de sa respiration sifflante
de ses mots hachés
Les mots sortent vite
en vrac
C’est une nouvelle confession «
Par Nadine Brunelot | 27 octobre 2024