Vous pénétrez dans l’atelier du père puis dans l’appartement du grand-père, vous essayez de vous frayer un chemin à travers le fatras de toutes choses et de petits riens accumulés par ces deux hommes, collectionneurs compulsifs. L’encombrement de ces deux lieux est reproduit – volontairement on imagine – dans ce texte.
Hélène Gaudy, Archipels, L’Olivier, 288 pages
On est entre le syndrome de Diogène et l’épuisement d’un lieu à la Pérec, avec des listes d’un peu tout qui apparaissent régulièrement. Ce ne sont pas toujours des pages palpitantes, mais peu à peu, à mesure qu’ils émergent de derrière un empilement d’enclumes ou de vieilles revues, les propriétaires des lieux prennent de l’épaisseur pour livrer corps à une image de la banalité.
Reste l’écriture, dont les premières pages du livre nous donnent le meilleur ? Phrases un peu liquides, mais pas complètement, comme les contours de cette île, au cœur du bayou, qui porte le prénom du père de la narratrice. « À peine une île, un réseau de rives poreuses, ligneuses, enchevêtrées. […] L’Isle de Jean-Charles est menacée par les aménagements des rives du Mississippi, le réchauffement, les forages pétroliers, la mer qui l’érode et rogne ses contours. On a renoncé à construire les digues qui auraient pu la protéger. »
Il y a dans tous les lieux de l’enchevêtrement, y compris dans le texte. Il y a du flou, le même qui marque si peu les limites entre terre et mer, ou dans lequel s’est enlisée la jeunesse du père.
Par Jean-Paul Garagnon | 26 octobre 2024