Gabriela Trujillo, L’invention de Louvette

Chroniques livres – Rentrée littéraire Automne 2021

Jean-Paul Garagnon

Gabriela Trujillo

Pourquoi lire celui-là plutôt qu’un autre ? Un premier roman à propos duquel je n’ai rien vu. C’est LA question à chaque rentrée littéraire !
D’abord la couverture et donc la collection : Verticales chez Gallimard. On trouve au catalogue des auteurs (dont beaucoup d’autrices) affirmant une volonté de travailler un peu plus sur la forme, sur des constructions moins convenues. Par exemple, Olivia Rosenthal, Maylis de Kérangal, Chloé Delaume ou Lydie Salvayre. L’éditeur présente la collection comme « un centre de ralliement des divergences ». Attirant, non ?
Ensuite, le nom, Gabriela Trujillo. Ça fleure bon l’Amérique latine ! Enfin, pas très bon parce que l’on pense tout de suite au dictateur dominicain Rafael Leonidas Trujillo auquel Mario Vargas Llosa a consacré le très fort « La Fête au Bouc », également chez Gallimard, en 2000. Mais on ne va pas faire porter le chapeau du Bouc à Gabriela… Donc, l’Amérique latine, un peu mon fonds de commerce, j’y vais.
L’histoire se passe dans un petit pays d’Amérique centrale qui n’est pas nommé, mais dans lequel on pourrait reconnaître… mais non, si elle ne l’a pas nommé, pourquoi le ferais-je ? Petit pays. Ici aussi, s’il y a des terroristes, en tout cas dénommés tels parle pouvoir en place, ils ne sont pas salafistes, mais guérilléros. Rien à voir. Louvette nous parle d’elle, depuis sa naissance, alors qu’elle grandit à l’époque de la guerre civile dans une famille riche ancrée à droite. Très riche et très à droite. Il y a quelque chose de fragmentaire dans le point de vue de Louvette qui ne voit pas tout ce qui se passe, à qui on ne dit pas tout, qui ne comprend pas tout tout de suite. Mais ça viendra. Et puis, elle ne nous dit pas tout et c’est à nous de compléter les non-dits.
Il y a bien un côté latino-américain : du magique avec la nounou indienne qui baptise l’enfant selon les rites anciens ; du mal avec le père qui ne doit pas avoir les mains très propres dans le contexte de guerre civile, au point de devoir s’exiler chez l’oncle Sam lorsque la paix est signée.
Précision : si Gabriela Trujillo est née et a grandi dans ce petit pays, elle vit aujourd’hui en France et écrit en français. Comme quoi on peut écrire un roman totalement latino-américain en français !
On hésitera un peu sur les premières pages, mais on ne regrettera pas de s’être accroché. C’est une belle langue au service d’un personnage qu’on a envie de serrer dans ses bras.

Gabriela Trujillo, L’invention de Louvette, Gallimard (Verticales)

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